Margaretha Reichardt et ce détail méconnu du fauteuil Wassily

C’est l’un des objets les plus iconiques du design moderne. Avec ses lignes tendues et son acier tubulaire, le fauteuil Wassily de Marcel Breuer incarne à lui seul l’esthétique radicale du Bauhaus.

Avec ses lignes tendues et son acier tubulaire, le fauteuil Wassily de Marcel Breuer est devenu l’un des objets les plus iconiques du design moderne. Créé en 1925, il incarne à lui seul l’esthétique radicale du Bauhaus, ce mouvement qui a marqué durablement l’histoire de l’architecture et du design.
Mais derrière cette assise aux airs révolutionnaires se cache une histoire moins connue : celle d’une innovation textile portée par une femme, Margaretha Reichardt.

Fauteuil Wassily Bauhaus

Margaretha Reichardt, une pionnière du textile au Bauhaus

En 1926, Margaretha Reichardt rejoint le Bauhaus. Comme la plupart des étudiantes, elle est orientée vers l’atelier de tissage, considéré à l’époque comme une discipline “féminine” et secondaire.
Loin de se limiter à ce rôle imposé, Reichardt transforme cet atelier en véritable laboratoire d’expérimentation. Elle s’intéresse particulièrement à l’Eisengarn, un fil de coton ciré mis au point au XIXe siècle et utilisé dans l’industrie textile et mécanique.

L’innovation de l’Eisengarn : du fil au fauteuil

Margaretha perfectionne l’Eisengarn : imprégné de paraffine, d’amidon puis poli, le fil gagne une résistance et une brillance inédites.
Cette avancée technique attire l’attention de Marcel Breuer, qui cherchait un matériau capable de supporter la tension nécessaire pour les assises de sa chaise B3, rebaptisée plus tard fauteuil Wassily.
L’invention de Reichardt devient alors la clé du succès du fauteuil. L’Eisengarn est ensuite utilisé dans d’autres modèles emblématiques comme la chaise pliante D4… et même dans l’aviation.

Une créativité au-delà du textile

Le talent de Reichardt ne s’arrête pas à l’innovation textile. Dès sa première année au Bauhaus, elle conçoit des jouets en bois  (les Steckpuppen et Jumping Jack) qui seront plus tard produits par la marque suisse Naef.
Diplômée en 1931, elle poursuit son parcours avec une année aux Pays-Bas, puis ouvre son propre atelier à Erfurt, sa ville natale. Elle expose à Paris, Milan, Leipzig et transmet son savoir-faire à des générations de tisserands.

Une histoire de lumière et d’ombre

Mais le parcours de Margaretha Reichardt est aussi marqué par une zone d’ombre : sa participation à la fronde contre Gunta Stölzl, seule femme cheffe d’atelier du Bauhaus, qui sera poussée à la démission en 1931. Un rappel que l’histoire du Bauhaus, aussi visionnaire soit-elle, reste traversée de tensions et de contradictions.

Pourquoi retenir le nom de Margaretha Reichardt ?

L’histoire du fauteuil Wassily ne peut être pleinement comprise sans évoquer Margaretha Reichardt. Son travail illustre combien les femmes du Bauhaus, souvent reléguées à l’arrière-plan, ont contribué à façonner l’esthétique et la technique du design moderne.
À travers l’Eisengarn, elle a laissé une empreinte durable, prouvant que l’innovation ne se joue pas seulement dans le métal ou le verre, mais aussi dans la matière textile.