Née dans un atelier d’Autun dans les années 1930, la chaise A de Tolix est passée des terrasses de cafés français aux collections du MoMA. Derrière cette star du design industriel, il y a un artisan visionnaire : Xavier Pauchard.

Dans la France des années 30, le mobilier reste dominé par le bois courbé : Baumann dans les cafés, Thonet en référence absolue. Le métal avait déjà été tenté par Multipl’s, sans succès durable.
En Bourgogne, un artisan change la donne.
Couvreur-zingueur, Xavier Pauchard s’intéresse à la galvanisation, un procédé encore peu répandu en France et qui protège la tôle de la corrosion.
En 1927, il dépose la marque Tolix.
Xavier Pauchard commence par produire des objets ménagers et du petit mobilier.
Un représentant commercial lui souffle une idée : appliquer la galvanisation au mobilier des cafés et collectivités, il y a un vrai potentiel.

La naissance de la chaise A
Après de nombreux tests dans son atelier d’Autun, Pauchard met au point une chaise en métal galvanisé : robuste, légère et résistante à l’humidité.
Elle innove aussi par sa praticité : on peut empiler jusqu’à 25 exemplaires.
La chaise A de Tolix est née.
Déposé en 1935, le modèle inaugure une nouvelle ère : celle du mobilier en métal galvanisé, pensé pour la production en série.
Xavier Pauchard l’envoie à bord du paquebot Normandie pour son voyage inaugural. Elle équipe les coursives des matelots. Quel meilleur test de résistance que la pleine mer ?
Rapidement, le modèle trouve son public. Quand l’artisan disparaît en 1948, sa chaise équipe déjà les collectivités, les hôpitaux et certaines stations thermales.
C’est dans les années 50 qu’elle envahit les terrasses de café, fournie par les brasseurs en échange de visibilité. A Autun, 80 employés fabriquent alors près de 60 000 chaises chaque année pour faire face à la demande.

De la terrasse au musée : l’icône du design industriel
Au fil des décennies, la chaise A s’impose dans le paysage quotidien jusqu’à devenir un standard du mobilier collectif en France.
Dans les années 90, elle change de statut. Avec l’émergence du style industriel, elle intéresse les amateurs de design. Terence Conran l’intègre au catalogue Habitat, la voici propulsée sur la scène internationale.
La chaise A devient l’icône mondiale du design industriel. Elle figure aujourd’hui dans les collections du MoMA, du Centre Pompidou et du Vitra Design Museum.

Tolix : une histoire faite aussi de sauvetages
La traversée du siècle ne s’est pas faite sans obstacle.
L’arrivée du mobilier en plastique détourne une partie du marché.
Comme beaucoup de fabricants français de mobilier, Tolix est fragilisé par la concurrence accrue des productions à bas coût venues d’Asie dans les années 90-2000.
En 2004, alors que l’usine menace de fermer, elle est reprise par Chantal Andriot, directrice financière chez Tolix depuis les années 70. La femme d’affaires redresse la barre. Elle invite notamment le Normal Studio à assurer la direction artistique. Des modèles emblématiques sont réédités et une nouvelle gamme de couleurs, rompant avec le traditionnel gris métal, est proposée.
Un autre grand revers est le passage du modèle dans le domaine public en 2018, 70 ans après la mort de son créateur. La chaise A, qui devait déjà faire face à la contrefaçon, subit alors une déferlante de copies bas de gamme.

En 2022, Emmanuel Diemoz et Antoine Bejui reprennent l’entreprise bourguigonne. Après avoir participé au spectaculaire redressement de Balmain, ils portent une nouvelle ambition : inscrire Tolix dans une dimension haut de gamme.
Aujourd’hui encore, Tolix défend sa différence : chaque pièce est encore fabriquée dans la manufacture d’Autun, où 80 % des opérations restent artisanales. L’entreprise détient d’ailleurs le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) depuis 2006 en reconnaissance de son savoir-faire artisanal et industriel.
Une leçon de design
Plus d’1 million d’exemplaires ont été vendues depuis sa création mais la chaise A n’a pas fini d’écrire son histoire.
90 ans plus tard, on peut dire qu’elle illustre à la perfection les mots de Charles Eames : “reconnaître le besoin est la condition première du design”.
