Alma Siedhoff-Buscher : ses jouets n’étaient pas assez nobles

En 1923, Alma Siedhoff-Buscher ose écrire à Walter Gropius pour demander à quitter l’atelier de tissage du Bauhaus, imposé aux femmes, afin de rejoindre celui de sculpture sur bois. Une audace qui lui permet de concevoir les premiers jouets et meubles pour enfants issus du Bauhaus. Un succès populaire qui contrarie Gropius, mais qui fera entrer son nom dans l’histoire du design.

Comme toutes les étudiantes, Alma commence au tissage. Mais ce n’est pas sa place. Elle écrit à Gropius, évoque un interdit médical, et demande à intégrer « à titre d’essai » l’atelier bois, normalement réservé aux hommes.

La demande est accordée et l’opportunité est immense car le Bauhaus prépare sa première grande exposition publique.

La chambre d’enfant de la Haus am Horn

On lui confie l’aménagement de la chambre d’enfant dans la maison témoin, la Haus am Horn. Alma imagine un mobilier modulaire, pensé pour accompagner l’enfant dans sa croissance : cubes colorés transformables en assise, rangement ou camion. Même la lumière devient jeu. Un plafonnier modulable permet aux enfants de projeter des formes découpées.

Des jouets pour libérer l’imagination

C’est avec ses jouets qu’elle va le plus loin. Les Schiffbauspiele, jeux de construction géométriques et colorés, laissent place à toutes les expérimentations.

Elle imagine aussi les Wurfpuppen, poupées à lancer souples et solides, intègrent diversité et genre : l’une est noire, une autre porte pantalon et cheveux courts comme les féministes de l’époque.

Un succès populaire… contre l’ambition du Bauhaus

L’exposition de 1923 reçoit un accueil mitigé, mais les jouets et meubles d’Alma séduisent le public. Walter Gropius, lui, les juge trop « populaires », pas assez nobles pour représenter l’ambition intellectuelle de son école.

Ironie de l’histoire : ce sont les premiers objets du Bauhaus à trouver un marché. En 1924, des prototypes sont achetés par la société Zeiss pour son jardin d’enfants.

Alma défend dans ses écrits un jeu libre, sans consigne, en opposition aux jouets trop normatifs ou éducatifs. Pour elle, l’enfant doit être autonome et créatif.

En 1925, Alma suit le Bauhaus à Dessau. Elle y reste jusqu’en 1927, d’abord comme étudiante puis comme employée. Elle conçoit des kits à découper et des livres à colorier pour l’éditeur Ravensburg.

Elle épouse Werner Siedhoff, acteur et danseur, et devient mère de deux enfants.
Après 1928, ses traces publiques s’effacent.
Alma meurt en 1944 dans un bombardement, à l’âge de 45 ans.

Un héritage toujours vivant

Ses jouets traversent pourtant le siècle. Réédités sous licence, ils inspirent plusieurs générations de designers et continuent de transmettre son idée fondatrice : le jeu comme espace de liberté et d’imaginaire.

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