Figure brillante et trop méconnue du Bauhaus, Otti Berger pense le textile comme un matériau actif : tactile, acoustique, thermique, architectural. Élève puis enseignante dans l’atelier textile (1927–1931), elle dirige l’atelier par intérim, fonde son studio de design textile à Berlin en 1932, collabore avec l’industrie et dépose des brevets : une première pour une femme issue du Bauhaus.

Formée auprès d’Anni Albers, Otti Berger entre à l’atelier textile en 1927 et enseigne dès 1929. Elle remplace Gunta Stölzl à plusieurs reprises à la tête de l’atelier et obtient le diplôme officiel du Bauhaus en 1930.
Elle refuse de réduire le textile à un simple motif. « La valeur d’un tissu doit d’abord être saisie par le toucher. » Pour elle, un textile n’est pas un décor : c’est une surface vivante qui joue avec la lumière, absorbe le son, régule la chaleur, structure l’espace.
Laboratoire de matières
Otti Berger imagine des matériaux innovants, aux propriétés acoustiques, thermiques ou tactiles. Elle explore des double-tissages, des fibres végétales (ramie), des crins synthétiques, des textiles à base de cellophane (notamment pour l’aviation). Elle conçoit des rideaux, tissus d’ameublement, revêtements muraux aux propriétés fonctionnelles autant qu’esthétiques.
Bien avant que le mot “design” ne désigne une discipline à part entière, Otti Berger pense le textile comme un projet global. Elle en défend la portée artistique, en empruntant au vocabulaire de la peinture et de la photographie pour légitimer sa démarche.
Elle sera la seule femme du Bauhaus à déposer des brevets sur ses créations textiles.

Du Bauhaus à son propre atelier
En 1932, elle fonde l’Atelier für Textilien Otti Berger à Berlin. Un geste audacieux pour une femme à l’époque. Elle coopère avec des architectes et des entreprises : Hans Scharoun (maison Schminke), Wohnbedarf (Zurich), Schriever & Co. (Dresde)…
L’industrie devient terrain d’expérimentation, ses échantillons circulent, ses initiales apparaissent sur certaines productions (Otti Berger Stoff).

Le silence imposé
En 1936, le régime nazi lui interdit d’exercer. Elle fuit : Paris, Amsterdam, puis Londres (1938).
Lazlo Moholy-Nagy l’invite à Chicago mais le visa est refusé malgré les appuis. Elle retourne en Yougoslavie auprès de sa mère malade.
En 1944, Otti Berger est déportée puis assassinée à Auschwitz avec des membres de sa famille. Elle n’écrira jamais la suite de son histoire.
L’héritage d’Otti Berger
Ses textiles, acoustiques, réfléchissants, lavables, durables, ont façonné une autre manière d’habiter. Son approche irrigue encore le design contemporain, de l’architecture intérieure aux matériaux techniques.
Aujourd’hui encore, le motif Zebra qu’elle a créée fait partie de la collection Artek. Repéré par la célèbre designer finlandaise Aino Aalto dans les années 1930, ce textile noir et blanc aux contrastes vifs a trouvé sa place sur les fauteuils emblématiques de la maison, comme le modèle 400 dit “Tank”. Réédité sans interruption, il est devenu un classique du design scandinave.


pour Lire les autres articles de la série
« les femmes du bauhaus,